54. PROMÉTHÉE OU L’ART DE SE RÉVOLTER

Le palais de Prométhée est dédié à toutes les révoltes de l’histoire. Aux murs, voisinent des portraits de leaders de révolutions, des armes ayant servi à des coups d’État, des photographies de manifestations, de grèves, de guerres civiles, des tableaux représentant des barricades érigées par des étudiants, des sculptures représentant des rebelles d’autres planètes. Tous ont le regard romantique, des attitudes décidées, des mentons en position de défi.

Le lieu lui-même est hors norme. Non seulement l’architecture se démarque des palais à l’antique par des formes résolument modernes, mais on peut aussi y voir placardées toutes sortes d’affiches retraçant des révoltes exotiques. Le rouge domine : rouge de la colère, rouge du sang des martyrs.

La pièce centrale où se déroule notre cours est éclairée par des torches, le fond de la salle est peint en rouge et tagué de slogans : « LA LIBERTÉ OU LA MORT », « MORT AUX TYRANS », « LE TOTALITARISME NE PASSERA PAS ».

Prométhée entre dans la salle de cours. Celui qui a offert le feu aux hommes est un Titan mesurant près de trois mètres, aussi grand qu’Atlas. Une énorme cicatrice marque son flanc droit et indique l’endroit où le vautour s’acharne sur son foie. Il se place silencieusement devant le bureau. Son visage est parcouru de tics nerveux. Il ressemble dans son tourment à Sisyphe, mais avec un rien de souffrance et d’ironie supplémentaires.

Atlas entre sans même qu’on l’appelle. Il supporte avec difficulté notre chère planète d’exercice, Terre 18. Les deux hommes échangent un regard et Atlas dépose Terre 18.

— Tu vois, dit Atlas, tu vois…

— Je vois quoi ? demande Prométhée.

— Tu n’aurais pas dû trahir tes frères.

— Je ne les ai pas trahis.

Atlas pointe du doigt le Maître auxiliaire.

— Durant la guerre des Olympiens tu as basculé.

Je n’ai pas basculé.

Alors quoi ?

Prométhée nous regarde, il hésite à reprendre cette conversation, puis, jugeant qu’après tout nous ne les gênons pas, il fait front.

— Atlas, souviens-toi… c’était perdu. À quoi aurait servi que je sois puni avec vous ?

— Tu as basculé dans le camp adverse !

— Nous en avons déjà parlé, Atlas, j’ai infiltré nos ennemis. J’ai fait semblant d’être avec eux pour mieux les surprendre et agir de l’intérieur.

— Pour ce que cela a changé…

— Très bien, puisque tu veux une fois de plus qu’on en parle. Je crois qu’il vaut mieux se soumettre pour pouvoir agir plus tard, que prendre l’adversaire de front, perdre et se résigner. Je ne me suis jamais résigné. J’étais un espion de notre cause. Un agent double…

— Tu as trahi. Aucun d’entre nous ne pourra jamais l’oublier.

— Crois ce que tu veux après tout.

Tous deux se défient du regard. Puis Prométhée revient à la charge :

— En tout cas, moi j’ai continué à me battre après que la guerre a été perdue. Je n’ai jamais baissé les bras, contrairement à d’autres.

Atlas hausse les épaules et se tourne vers nous.

— Il faut que tu saches que cette classe est particulièrement dissipée. Il y a un déicide dans ses rangs… et puis des petits malins font l’école buissonnière le soir après 22 heures : il y en a même qui sont descendus visiter ma cave.

— Je sais tout cela, Atlas, je le sais.

— À ce sujet… je vous préviens… non, je ne vous préviens pas… allez-y, revenez voir ma cave… vous verrez.

Atlas installe le Paradis et l’Empire des anges de Terre 18 à l’emplacement prévu à cet effet.

— Tiens, dit-il, il commence à y avoir quelques âmes élevées sur leur planète.

Il secoue la fiole et cela doit tanguer dans leur Paradis. Pour nous les élèves, cette remarque prend un sens important. Nous avons été anges et nous avons pu constater que plus on est nombreux au Paradis, plus l’humanité a de chances de s’élever. Ces anges dans le flacon sont un peu nos ambassadeurs ou nos suppléants.

Atlas crache par terre puis claque la porte.

Prométhée fait semblant de ne pas avoir remarqué ce geste de dédain, saisit son ankh et examine notre travail. Quelques villes attirent tout particulièrement son attention. Puis il se tourne vers nous.

— Cela me rappelle un morceau de pain que j’avais laissé moisir sous une cloche. Il y avait au bout de quelques jours des moisissures vertes et grises qui formaient comme une fourrure. Eh bien votre humanité c’est ça… de la moisissure sur une planète. Rien à en tirer. Pas la peine de perdre notre temps, on va détruire ce truc et en faire un monde neuf.

Un frisson parcourt l’assistance.

Son regard se fait plus dur.

— Vous n’avez pas compris ? Game over. Vous êtes tous virés, vous allez tous vous transformer en chimères et on passera à la promotion suivante.

Il sort un calepin de la poche de sa toge.

— Donc vous, vous êtes les Français, les prochains ce sont… les Italiens. Tiens, il devrait y avoir Léonard de Vinci, Dante, Michel-Ange, Primo Levi. J’aime bien ces gens, ils devraient faire mieux que vous. De toute façon, les Français, vous avez toujours été nuls, n’est-ce pas ?

Un murmure d’indignation parcourt l’assistance.

— Bien sûr que vous avez toujours été nuls. L’histoire de France c’est une histoire de pourris. Des lâches, toujours prêts à se compromettre avec la force totalitaire la plus violente. Les quelques mouvements indépendants apparus chez vous ont été noyés dans le sang.

Le murmure devient grondement.

— Les Templiers massacrés par Philippe le Bel, les Cathares par Simon de Montfort, les protestants calvinistes par Catherine de Médicis, les Vendéens par les Colonnes de la mort. Vos seuls dirigeants un peu charismatiques, Louis XIV ou Napoléon, n’ont fait que tuer tous les opposants et exporter la guerre. Et là je reconnais bien le style typiquement français, des tyrans d’opérette, des lâches, des décadents, voilà votre peuple. Vous, les Français, vous êtes les rois de la pourriture. Même votre nourriture est pourrie.

Nous nous regardons, assommés de tant de mauvaise foi.

Prométhée n’en a pas fini avec nous.

— Parlons-en de votre nourriture ! Votre pain c’est de la farine fermentée, votre fromage du lait fermenté, votre vin du jus de raisin fermenté, et vous faites fermenter même votre vin pour le transformer en vinaigre. Sans parler de vos champignons de Paris que vous faites pousser sur du crottin de cheval. « Toujours plus pourri » est votre devise, hein ? Répondez ! Et vous en êtes fiers en plus. Même votre diplomatie est pourrie. Si je ne m’abuse, votre président des années 1970 avait emprunté de l’argent au shah d’Iran, et vous avez accueilli son opposant et l’avez aidé à fomenter sa révolution. Tout ça pour ne pas payer cette dette. Nous on voit tout d’ici. Vos petits accords pourris avec les terroristes, on les voit. Vos concessions aux dictateurs tyranniques pour vendre des avions et des trains, on les voit. Vous, les Français, vous êtes ainsi. Et l’humanité que cette promotion s’apprête à bâtir promet un monde plus pourri encore !

Nous sommes abasourdis. Personne ne réagit plus.

— Bon. Tirons la nappe. Vous nettoyez cette planète et vous laissez la place à la promotion 19 des Italiens. Eux au moins ils ont connu quelques moments de panache dans leur histoire. Même leurs tyrans avaient quelque chose de théâtral. César, Borgia, le Duce c’était quand même plus grandiose… Approchez tous, on va nettoyer les écuries d’Augias. Je crois que Chronos vous a déjà montré comment opérer : on fait fondre les calottes glaciaires, ça produit un déluge, et après on tire sur les survivants qui flottent.

Résignés, nous nous avançons pour détruire Terre 18. Ainsi c’est aussi simple que cela. Mon peuple en pleine déconfiture ne sera au final ni mieux ni moins bien traité que les autres.

— Attention, à mon commandement ! Cinq, quatre… prêts à tirer ?

Tous nos ankhs sont dardés vers les calottes glaciaires. Nous savons que dès que les pôles fondront, les océans monteront et submergeront toutes les terres. Et alors ce sera le déluge. Les continents disparaîtront et l’océan couvrira toute la surface de Terre 18. Avant que l’eau ne soit gelée, puis la planète à nouveau fertilisée. Ainsi périssent les humanités brouillonnes.

— Prêts ? répète Prométhée.

Nos index sont sur le bouton des ankhs.

— Attention. Trois. Deux… Un…

Nous attendons le mot « feu ».

Un long temps d’attente. Enfin le Maître dieu auxiliaire ordonne :

— Feu !

Personne ne tire.

— J’ai dit : Feu ! Tout de suite. Allez, tirez ! répète-t-il.

Personne ne bouge. Il fronce les sourcils, nous surplombe de toute sa taille. Nous pensons qu’il va s’emporter, mais son visage se modifie progressivement et il éclate d’un grand rire.

— Je vois, j’ai affaire à des Français… j’oubliais. Laisser pourrir est votre devise. Donner le coup de grâce est un acte de courage dont vous n’êtes même pas capables, n’est-ce pas ?

Nous ne savons comment réagir face à tant d’agressivité gratuite.

— Bande de lavettes ! Espèce de dieux de pacotille !

Franchement il commence à m’agacer. Il ne ferait pas deux mètres de haut, je lui dirais ce que je pense de son analyse sur la France. Je ne connaissais pas cette histoire sur l’Iran, mais il y a eu des instants où la France a fait du bien dans le monde. Du moins il me semble. J’y réfléchirai une autre fois.

Il sort son ankh et manie le bouton réglant l’intensité du tir.

— Eh bien, puisqu’il faut tout faire soi-même… J’ai jadis offert le feu aux hommes, je vais… leur en donner de manière plus concentrée cette fois. Du bon feu pour enlever la moisissure.

Il met en joue la calotte polaire de Terre 18, le doigt sur le bouton.

— Non !

Nous nous retournons tous.

— Quelqu’un a une objection… ? dit Prométhée, l’index toujours crispé sur le bouton.

— Oui, moi !

— Mademoiselle Mata Hari ? Tiens donc… Quel est votre souci ?

— Ce monde ne doit pas mourir.

— Tiens, il faudra que je propose de constituer après les Italiens une promotion de Néerlandais. J’adore la peinture flamande. Et puis les Néerlandais, ils sont cool, ils fument des pétards, ils sont sexuellement bien plus détendus que les peuples latins…

Raide, Mata Hari fait front.

Prométhée nous toise, puis son visage change de physionomie.

— Si un seul être s’oppose à la volonté de l’autorité, cela suffit à tout changer, concède-t-il. Vous pouvez regagner vos places.

Nous mettons du temps à réagir.

— Je me nomme Prométhée, dit le Maître dieu auxiliaire, et je suis là pour vous parler de Révolte. C’est pour cela que je me suis livré à cette petite provocation pour vous forcer à vous révolter et à sentir dans votre chair la colère monter.

Nous nous asseyons, perturbés.

— Car c’est bien de colère que nous parlons. Mais comme vous l’avez vu, le respect de l’autorité est si ancré que vous mettez bien du temps avant d’arriver à faire sauter le bouchon. En fait, vous avez été cassés par vos parents, par vos professeurs, par vos patrons. Vous êtes naturellement obéissants.

La honte nous gagne peu à peu, de ne pas avoir réagi comme Mata Hari. Il sourit.

— Sinon je n’ai rien contre la France… même si je n’aime pas les fromages forts. J’apprécie son vin et sa gastronomie. Et vos dirigeants, bah, après tout, ils ne sont pas pires que les autres.

Prométhée nous semble maintenant un peu triste. Il a quelque chose d’un prince déchu, un air que j’avais déjà entrevu chez Sisyphe.

— Pourquoi y a-t-il des révoltes ? Je vous pose la question.

— Parce que les gens ont faim, dit Sarah Bernhardt.

Prométhée approuve. Il inscrit au tableau : « La faim ».

— En effet, c’est une motivation des révolutions. Quoi d’autre ?

Nous cherchons.

— Parce que les dirigeants font mal leur travail, énonce Jean-Jacques Rousseau.

— En effet, mauvaise gestion. Soyez plus précis.

— Parce que les dirigeants sont corrompus, dit Jean de La Fontaine.

— Oui. Quoi d’autre ?

— Tyranniques, cruels, complète aussitôt Voltaire.

— Oui. Quoi d’autre ?

— À cause de l’injustice, propose Simone Signoret.

Des réponses fusent de partout.

— Parce que les impôts sont trop lourds.

— Parce que l’écart entre le niveau de vie des classes dirigeantes et celui des classes laborieuses est trop important.

Prométhée note tout cela. C’est étrange comme il nous a fait peur au début, et comme maintenant il nous semble presque amical.

— Par lassitude d’un système ancien et sclérosé.

— Qui a dit ça ?

Proudhon lève la main.

— Pas mal. Par moments la répétition d’un système rassure, et puis tout à coup les gens ne le supportent plus. Pourtant, si l’on étudie l’histoire, on constate que peu de révoltes populaires spontanées ont eu un effet décisif. Même les émeutes de la faim ont été pour la plupart facilement maîtrisées. Alors, qu’est-ce qui fait que tout d’un coup le système s’effondre pour de bon ?

Prométhée prend sa craie et note : « Complots étrangers ».

— La plupart des coups d’État ont été organisés par des pays étrangers pour affaiblir leur voisin. Par exemple, pour reprendre celui de Terre 1 : les services secrets allemands, en 1917, aident à déclencher la révolution russe pour affaiblir le front de l’est. Ce n’est pas par hasard si un train allemand a permis le retour clandestin de Lénine. Les Russes à leur tour vont financer et protéger la petite bande des communistes chinois pour permettre à Mao d’accéder au pouvoir en 1949. Et ainsi soulager leur front sud. Les Chinois ensuite ont aidé en matériel, en soutien logistique et probablement même ont fourni des soldats pour la guerre de Corée, celles du Vietnam, du Laos, du Cambodge. Bien entendu, rien d’officiel dans tout cela, ajoute-t-il.

Le Maître auxiliaire accroche une carte de notre Terre 1 et désigne les différents pays.

— Et cela peut être plus mesquin encore, un pays peut fomenter une révolution pour placer un gouvernement fantoche à sa solde. Car la révolution peut être une manière, pour le pays voisin, d’économiser une guerre. Et vous verrez avec les autres professeurs que, pour acquérir matières premières et zones d’influence, il n’existe pas cent façons : l’invasion pure et simple ou les accords commerciaux bien négociés à votre avantage. Pour réussir la seconde option, rien de tel que l’installation d’un gouvernement fantoche qui vous est redevable. Il suffit pour cela d’un petit groupe d’hommes déterminés. Par moments d’un général, voire d’un officier de bas rang nanti d’un stock d’armes et d’un peu d’argent.

— Mais il y a quand même eu de vraies révoltes, s’offusque Proudhon.

— Ah bon… ? Allez-y.

— La Commune de Paris.

— C’est vrai. Mais elle n’a pas duré longtemps et elle a fini en boucherie. Ce que je veux vous apprendre, c’est que le peuple ne sait pas se révolter seul. Même s’il a faim, même s’il a un gouvernement injuste, même s’il existe un trop grand écart entre les riches et les pauvres, il lui faut des leaders charismatiques et un trésor de guerre pour réussir une vraie bascule.

— Parfois la révolte peut venir du dirigeant lui-même, signale Raoul Razorback.

— En effet. Je voulais justement y venir. Toujours pour reprendre des exemples de Terre 1, je crois que vous connaissez l’histoire d’Akhenaton, le pharaon rebelle qui a voulu émanciper son peuple contre la classe des prêtres visant à le maintenir à son niveau le plus bas. On pourrait donc dire qu’il s’agissait d’un « roi révolutionnaire ».

La classe approuve.

— Il a échoué, tranche-t-il. Donc, le roi révolté ça ne marche pas. Et d’ailleurs il a été renversé par un complot.

Prométhée nous parle ensuite d’Hannibal, une tentative d’un militaire pour promouvoir l’émancipation des siens.

— Soutenu par le peuple de son pays, soutenu par les peuplades étrangères, il sera trahi par les sénateurs, et finira par se suicider après une ultime trahison.

Prométhée évoque Spartacus, un révolutionnaire issu des rangs les plus défavorisés : les gladiateurs.

— Il arrive à rassembler une armée qui inquiète l’empire mais trébuche au dernier moment.

Il enchaîne sur une multitude d’autres leaders libérateurs – dont Wallace, en Écosse – qui pour la plupart ont fini dans d’atroces supplices, pour bien marquer les esprits.

Puis le Maître dieu auxiliaire revient à notre planète. Il remarque plusieurs peuples dotés de régimes « doux ».

— Bien souvent le pouvoir fonctionne comme un système de balancier. Après le doux, le dur. Et après le dur, le doux.

Il accroche son ankh et lui imprime un mouvement de pendule.

— Mais il est toujours nécessaire d’obtenir un soutien populaire. Même les plus cyniques dictateurs sont obligés de créer un climat de mécontentement pour renverser les pouvoirs en place. C’est délicat. On ne peut créer l’orage qu’après avoir préparé le nuage noir. Un peuple, on le programme, on le manipule. Mais on l’écoute. Le peuple est un enfant capricieux qui veut toujours le contraire de ce qu’il a déjà. Il suffit de le pousser un peu et de l’accompagner ensuite. Après un gouvernement de droite sécuritaire, il veut un gouvernement de gauche. La question est : le mécontentement populaire est-il issu des comploteurs, ou les comploteurs sont-ils issus du mécontentement populaire ?

J’examine les éléments de révolution visibles dans la salle, comme pour y trouver un début de réponse.

— Malgré tout ce que je viens de vous dire, la plupart des révolutions marquent une transition entre deux politiques. Cela peut aboutir à une évolution, mais aussi à un retour en arrière. On a vu des pays, démocratisés trop tôt, se soulever en révolutions populaires pour remettre au pouvoir des tyrans, qui bien sûr les ont aussitôt ramenés dans un système féodal coercitif, contre lequel ils ne se sont plus révoltés.

Prométhée balance son ankh d’avant en arrière.

— Regardons où vous en êtes. Pour les plus évolués, au passage de la monarchie despotique à la monarchie équilibrée par une assemblée législative. Mais allez-y doucement. Les régimes parlementaires fonctionnent d’autant mieux qu’on y trouve : a) de grandes villes, b) une population alphabétisée, donc des écoles, et enfin, c) une classe moyenne.

Il écrit en gros : « classe moyenne ».

— Qu’est-ce qu’une classe moyenne ? C’est une classe tampon, qui n’est ni obnubilée par sa survie quotidienne ni crispée sur ses privilèges. Elle peut donc réfléchir et agir en profondeur. C’est d’elle que proviennent en général spontanément les éléments « libéralisateurs ». Dans les révolutions, pensez toujours à vous appuyer sur les classes moyennes et les étudiants. Bien souvent les pauvres et les illettrés sont tellement revanchards qu’ils ne font que reproduire des dictatures parfois pires que celles qu’ils ont renversées…

Beaucoup d’élèves sont choqués de voir ainsi traitée toute une classe sociale.

— Comment pouvez-vous dire ça ? s’exclame Sarah Bernhardt.

— Il faut beaucoup de sérénité pour diriger sagement un peuple. Lorsqu’on a faim et qu’on a été en colère, on n’est pas très serein. Regardez ces révolutions qui ont tourné en installation de systèmes maffieux… Il faut sortir des schémas simplistes. Ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on est vertueux, et ce n’est pas parce qu’on est riche qu’on est égoïste.

Une rumeur de réprobation circule parmi nous.

— Ce n’est quand même pas la faute aux… pauvres s’ils sont pauvres ! s’indigne l’actrice.

Prométhée masse sa blessure au foie.

— Le nœud du problème tient tout entier dans l’éducation. Les pauvres, la plupart du temps, ne rêvent qu’à une chose : … être riches à la place des riches. Ils ne veulent pas l’égalité, ils veulent remplacer une caste par une autre. Parfois même ils veulent juste voir les riches souffrir et cela suffirait à leur bonheur. Ne soyez pas naïfs !

Cela me rappelle ce que j’ai observé avec Kouassi Kouassi. Le saboteur ghanéen disait bien : « Notre plaisir n’est pas d’avoir la même chose que vous, notre plaisir est de vous prendre ce que vous avez pour que vous, vous ne l’ayez plus. »

— Ce n’est pas très « politiquement correct », poursuit Prométhée. Mais en tout cas c’est ce que je pense, et je suis désolé de vous confirmer que ce sont le plus souvent les classes moyennes qui possèdent suffisamment de clairvoyance ou d’idéal pour ne pas reproduire le schéma d’écrasement d’un groupe d’humains par un autre.

Cette fois, quelques sifflets fusent. Je n’ai jamais vu un Maître dieu se faire contester de la sorte. Pour ma part, ayant lu les extraits du livre de Francis Razorback, je me souviens que Prométhée est quand même le dieu qui a pris parti pour le peuple des humains contre les dieux olympiens. Je perçois un certain paradoxe dans le personnage. À moins que ce ne soit son côté provocateur.

Prométhée circule parmi nous et annonce :

— Je vois que certains parmi vous sont choqués par mes propos. Je voudrais donc leur parler d’un personnage mal connu de l’histoire, et qui pourtant a été au centre de la plus grande révolution de Terre 1 : le roi de France Louis XVI.

Il écrit son nom au tableau.

— Vous voulez que je vous raconte ma vision, depuis Olympie, de ce qu’il s’est passé durant votre Révolution française de 1789 ?

Un murmure de méfiance court dans la salle. Louis XVI a toujours été connu comme un médiocre.

— Rappelons tout d’abord votre histoire. À commencer par Louis XIV, un roi-dictateur, qui se fait appeler Roi-Soleil mais qui est surtout le roi-tyran. Il se lance dans la construction d’un projet pharaonique : Versailles. Des jardins, des palais, du luxe et des paillettes pour entretenir et contrôler une cour de nobliaux dépravés. Il lève des impôts supplémentaires pour payer ce caprice surdimensionné. Et pour compléter le tout il se lance dans des guerres sur toutes ses frontières. Guerres qui sont toutes autant de défaites. Cela aussi coûte cher. Résultat : la France est ruinée, la famine règne dans les campagnes. Là-dessus, éclatent quelques révoltes paysannes rapidement matées dans le sang. Louis XIV meurt, et c’est Louis XV qui hérite de la patate chaude. Louis XV ne fait rien, gère au mieux pour gagner du temps et passe la patate encore plus brûlante à Louis XVI. Ce dernier n’est pas un génie, mais il est plein de bonnes intentions. Il examine l’état de son pays et s’aperçoit que si le système frôle la rupture c’est parce qu’une caste de privilégiés de naissance, les aristocrates, non seulement jouissent de pouvoirs exorbitants mais en plus ne paient pas d’impôts.

Étrange analyse de l’histoire. Assurément jamais on ne nous avait présenté nos rois de cette manière.

— Louis XVI constate ces inégalités, et qu’est-ce qu’il fait ? Il décide de s’appuyer sur le peuple pour renverser les barons, comtes et autres ducs qui font parfois régner la terreur sur leurs terres.

Prométhée constate notre étonnement et se régale à poursuivre.

— Louis XVI va donc directement demander son avis au peuple.

Il se lève pour être bien entendu.

— Rappelez-vous. Ce seront les Cahiers de doléances, formidable projet consistant à demander aux gens du peuple quels sont vraiment leurs problèmes quotidiens.

Prométhée se dirige vers une armoire et en tire un gigantesque dossier.

— En voilà quelques-uns. C’était suffisamment extraordinaire pour qu’en Olympe nous en ayons reproduit une partie. Vous imaginez ce que sont ces Cahiers de doléances. Ni plus ni moins que le véritable témoignage de la France profonde ! Là-dedans on apprend les soucis des paysans, la misère des campagnes, la vie des artisans, la vie des curés. C’est le premier sondage objectif d’une population. Enfin un texte où l’on ne parle plus de guerres ou de mariages princiers mais de la vraie vie de 99 % de la population du siècle.

Nous commençons à comprendre où notre professeur veut nous entraîner.

— Le problème, c’est que le peuple en exprimant sa douleur en prenait d’autant plus conscience. Et que du coup sa colère contre les dirigeants, loin d’être apaisée, se trouva décuplée. Un peu comme si tout d’un coup un clochard se mettait nu et se découvrait des pustules, des blessures, des plaques de psoriasis. Certes, avant ça le grattait partout, mais tant qu’il ne savait pas ce que c’était, il ne s’affolait pas. Et brusquement, en sachant, en voyant, il s’horrifie et panique. Classique.

En soulevant le voile qui recouvre les immondices on s’aperçoit que ça pue.

Il déambule du côté droit de la salle et nous découvrons, parmi les portraits des grands rebelles, Louis XVI. Mais pas de Robespierre, pas de Lénine, Mao Tsé-toung ou Fidel Castro. Aucun de nos grands « révoltés officiels terriens » n’est présent dans cette galerie. Probablement que, chez les dieux où l’on voit vraiment ce qu’il se passe, au-delà des propagandes et des lavages de cerveau, on les a jugés indignes de figurer parmi les véritables défenseurs du peuple.

— Louis XVI a pris conscience de l’ampleur du problème et de l’impossibilité de tout résoudre d’un coup. Il décide donc d’accomplir quelques réformes pour commencer. Pour l’y aider, il prend comme Premier ministre un technicien de l’économie : Turgot. Il abolit les privilèges de la féodalité, prône un impôt payable par tous, y compris les nobles.

Prométhée, fatigué, se rassoit derrière son bureau.

— Que n’avait-il pas fait là. Louis XVI se retrouve avec une aristocratie montée contre lui, plus un peuple qui commence enfin à comprendre qu’on le trompe depuis longtemps.

Prométhée ménage ses effets.

— On connaît la suite, le peuple descend dans la rue, le roi fuit, il est trahi, il est arrêté et finalement jugé, puis condamné et guillotiné, ainsi que toute sa famille. Voilà comment le peuple remercie ceux qui veulent l’émanciper. Mais ce n’est pas tout. Quelques années plus tard, la Révolution digérée dans le sang, le peuple plébiscite un nouveau leader charismatique qui s’autoproclame carrément empereur et recrée avec sa famille une nouvelle noblesse, profitant de privilèges encore plus énormes. Ce nouvel empereur s’empresse de monter une armée pour faire la guerre à tous ses voisins. Guerre qui une fois de plus va ruiner le pays et amener au massacre toute une jeunesse dans les glaces de la Russie enneigée. Et le plus singulier, c’est que le peuple adore vraiment son empereur et va en garder longtemps la nostalgie.

Un long silence s’installe dans la salle de cours.

— Le peuple est sacré, proteste Proudhon.

— Sacrément stupide, oui.

Prométhée ouvre un tiroir, en sort un tas de feuillets, les lit, s’en imprègne, puis nous livre son cours.

— « Les Français sont des veaux », affirmait un autre de vos leaders charismatiques, le général Charles de Gaulle. Moi je dirais un troupeau de moutons. Vous avez déjà étudié avec mon prédécesseur l’épisode des moutons de Panurge, ils suivent celui qui est devant. Moi j’ajouterais qu’ils craignent l’autorité, donc le berger. Ils le craignent et par pure commodité finissent par lui obéir sans réfléchir. Puis par l’aimer. Comme un prisonnier aime son gardien, un esclave son maître. Et tous, comme les moutons, trouvent normal d’être mordus par les chiens lorsqu’ils dévient du comportement général. Cela les rassure même. Et plus ils sont mordus, plus ils aiment leurs maîtres. En fait, le peuple est naturellement… (il note au tableau)… « masochiste ».

À nouveau, une rumeur de désapprobation circule dans la salle de cours, mais moins appuyée que les précédentes. Nous nous sentons confusément issus ou faisant partie de ce peuple que Prométhée qualifie de troupeau.

— Le peuple aime souffrir. Il aime craindre l’autorité. Il aime être puni. Étrange, n’est-ce pas ? Et il se méfie des rois et des empereurs qui seraient laxistes ou libéraux. Ils lui paraissent toujours suspects. Il les destitue en général assez vite pour les remplacer par des petits chefs durs et réactionnaires.

Il souligne le mot masochiste. Et note : « Qui aime bien châtie bien », et plus loin : « Plus on châtie plus on est aimé. »

Prométhée quitte son bureau et passe en revue les statues des rebelles de toutes les planètes de l’univers.

— Les moutons humains n’aiment pas la liberté, même s’ils bêlent à longueur de journée pour l’avoir, même s’ils la chantent, la prient, la placent au centre de leurs vœux et de leurs désirs… Ils savent tous au fond d’eux-mêmes qu’ils seraient bien ennuyés si on la leur offrait vraiment. Vos peuples, tous autant qu’ils sont, n’aiment pas la démocratie, ils n’aiment pas qu’on leur demande leur avis, si tant est qu’ils en aient un. Ils n’ont pas été éduqués pour ça. Ils aiment se plaindre, râler, insulter en cachette leur dirigeant et pourtant en cachette ils le vénèrent. Chacun à son niveau ne souhaite finalement qu’une chose : avoir un petit peu plus que le voisin.

Quelques rires retenus approuvent.

— Ils aiment l’ordre. Ils respectent la police. Ils craignent l’armée. Ils trouvent normal qu’on fasse taire les utopistes. Ils ont peur du chaos, de l’insécurité. Ils se méfient de l’opinion de leurs pairs, ils considèrent que leurs juges sont toujours justes.

Le Titan met sa main sur l’épaule d’une statue.

— La plupart des révolutions profitent toujours aux mêmes. Moi je les appelle les « petits débrouillards ». Vous les avez vus à l’œuvre. C’est l’expérience de la hiérarchie chez les rats : quoi que vous constituiez comme groupe, il apparaît toujours sur six individus, deux exploiteurs, deux exploités, un souffre-douleur et un autonome.

Cette expérience a décidément largement influencé notre travail. Je me souviens qu’en la découvrant je m’étais dit : « Il n’y a donc aucun espoir, ce sont juste les uniformes qui changent. »

— Pour légitimer cette fatalité, ils appellent cela des révolutions. Nous seuls, ici en Olympe, faisons la distinction entre les vrais révolutionnaires sincères et les petits débrouillards qui ne font que changer de maffia dirigeante. Nous seuls voyons les propagandistes et les historiens corrompus à l’œuvre pour maquiller le réel et légitimer les privilèges des petits débrouillards.

Une sorte de colère passe dans sa voix.

— Ici nous voyons. Ici nous savons. Reste la sempiternelle question : Pourquoi le peuple se fait-il aussi facilement gruger ? Je vous la pose à vous, élèves dieux.

Un temps de réflexion.

— Le peuple est facile à manipuler parce qu’il n’est pas assez instruit, dit placidement Simone Signoret.

Prométhée caresse la barbiche d’un révolutionnaire en marbre. Une idée bizarre me traverse l’esprit : et si c’était une sculpture fournie par Méduse ? Si le vrai bonhomme était encore à l’intérieur, conscient et suivant le cours ?

— Le peuple est sentimental, lance Jean de La Fontaine.

— Bien vu, dit Prométhée. Le peuple est sen-ti-men-tal. Il suffit dès lors que le révolté ait un discours romantique, que la propagande soit astucieuse, et ça marche. On exhibe les martyrs, on lance des calomnies. Plus c’est faux, mieux ça marche. On lui fait des promesses impossibles à tenir. On lui fait miroiter des solutions simples aux problèmes compliqués. Le peuple ne veut pas connaître la réalité qui souvent, il le sait, est sordide, et ne peut s’améliorer que par petites touches effectuées par des spécialistes et sur le long terme. Il veut qu’on lui présente les choses de manière à pouvoir adhérer à un rêve immédiat sans se poser trop de questions. Il est même prêt à croire sciemment aux mensonges.

Là, pour le coup, des plaintes retentissent.

Prométhée laisse enfler la révolte, il continue de parler, imperturbable, même s’il est obligé de hurler pour couvrir le tumulte.

— Pas un seul grand dirigeant historique de Terre 1 n’aimait vraiment son peuple.

Certains élèves, outrés, sifflent. Ils ont dû, dans leur jeunesse, militer pour des causes politiques.

— Vous faites le lit de l’anarchie ! clame Voltaire.

— Vous faites le jeu des tyrans en affirmant qu’ils sont une fatalité incontournable ! surenchérit Jean-Jacques Rousseau, pour une fois en accord avec son rival.

Prométhée s’approche d’un gong et le frappe.

— Je détruis certes vos illusions sur les systèmes politiques, mais je vous prouve qu’ils ne tiennent que par les intentions profondes des individus qui les composent.

La classe se calme progressivement.

— Quel autre moyen avons-nous de permettre au peuple de s’émanciper en dehors de la création d’une classe moyenne ? demande Jean de La Fontaine qui, avec Rabelais, paraît l’un des rares à apprécier notre étrange instructeur.

— Comme je vous le disais tout à l’heure : l’éducation.

Il note au tableau : « Méritocratie ».

— La méritocratie, c’est-à-dire le pouvoir donné non plus à ceux qui sont physiquement les plus forts, ni à ceux qui sont bien nés, mais à ceux qui sont les plus méritants, c’est-à-dire les meilleurs élèves. L’école obligatoire pour tous va mélanger les classes sociales, harmoniser les valeurs, permettre la rencontre entre individus issus de cultures différentes.

Il se tourne vers nous.

— Donc, développez lentement et solidement une classe moyenne qui soutiendra un système de scolarité permettant aux plus pauvres de s’élever dans la société par leur travail et leur talent. Voilà le moyen d’installer un régime politique moins « injuste ». La vraie révolution s’élabore lentement à partir des écoles.

Proudhon ne semble pas convaincu.

— Vous êtes en train de nous proposer de créer un système fondé sur la bourgeoisie, une sorte de consensus mou, grâce à la scolarité ?

— Vous avez mieux ?

— Oui, un système de gouvernement direct par le peuple.

— Vous savez, mon cher Proudhon, que c’est impossible.

— La révolution cambodgienne.

— Pol Pot ? Vous plaisantez, j’espère. Il a certes poussé les paysans incultes à massacrer les intellectuels et les bourgeois, mais on a vu le résultat. Le pays a plongé dans la misère, il s’est installé une classe de dirigeants maffieux vivant du trafic de drogue, et le pays a renoué avec des valeurs de despotisme ruinant son avenir économique et moral.

Proudhon se ferme, et marmonne quelque chose qui vaguement sous-entend que l’Olympe est déjà un royaume de petits-bourgeois.

Prométhée nous invite à poursuivre la partie.

Nous nous approchons de Terre 18. Je m’empare en hâte d’un petit escabeau pour mieux voir la terre des baleines. Ce qui devait arriver est arrivé. Le peuple des aigles a définitivement annihilé la capitale des baleino-dauphins. Désolé, Freddy, je n’aurai pas su gérer ton troupeau humain.

— Je vous laisse un temps de réflexion, puis tout le monde prend son matériel et on lance la partie.

Discrètement, je fouille dans ma besace pour trouver une idée qui m’aidera à saborder Raoul de l’intérieur.

Il me faudrait un héros, quelqu’un issu du peuple qui révèle les failles du système des aigles.

Le Souffle des Dieux
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